Résumé d'une publication scientifique importante pour les urgentistes

 

La transfusion précoce avec un ratio culots globulaires – plasma de 1 :1 à 1 :2 est essentielle en cas de choc hémorragique mais est rarement débutée en pré-hospitalier pour des raisons logistiques. Le volume de cristalloïdes reçu par ces traumatisés graves doit être minimisé. Une étude américaine ouverte prospective multicentrique randomisée a étudié l’intérêt d’un apport précoce de plasma chez 501 patients traumatisés ayant une instabilité hémodynamique et transportés par hélicoptère vers un centre de référence à partir du lieu du traumatisme ou d’un centre secondaire. L’instabilité était définie par une pression artérielle systolique < 70 mmHg ou une pression artérielle systolique < 70 mmHg avec une tachycardie > 108 bpm. Les principaux critères d’exclusion étaient la présence d’une lésion médullaire cervicale documentée ou d’une plaie cranio-cérébrale, des brûlures > 20 % de la surface cutanée, un traumatisme causé par une chute de sa hauteur, une noyade ou une pendaison et un arrêt cardiaque traumatique d’une durée > 5 minutes. Les femmes enceintes et les personnes < 18 ou > 90 ans n’étaient pas incluses. Les patients étaient exclus s’ils n’étaient pas transportés vers un centre participant à l’étude.

La randomisation était faite au niveau des 27 centres participant : chaque mois, les centres étaient randomisés « intervention » ou « contrôle ». Tous les patients pris en charge par un centre durant le même mois était donc traités de la même façon. Il n’y avait pas de stratification selon l’usage ou non de produits sanguins avant l’inclusion. Dans le groupe « intervention », les patients recevaient 2 unités de plasma frais congelé (décongelé à l’avance) lors l’évacuation héliportée et étaient ensuite remplis selon un protocole imposé par l’étude et transfusés selon la procédure du centre. Dans le groupe « contrôle », les patients étaient remplis selon le même protocole imposé par l’étude et transfusés selon la procédure du centre. Deux culots globulaires étaient disponibles dans les hélicoptères de 13 centres.

Au total, 501 patients ont été inclus (230 « intervention » et 271 « contrôle) : 82 % de traumatisme fermé, ISS médian 22 (intervalle inter-quartile 13-30), 51 % d’intubation pré-hospitalière, 35 % de transfusion pré-hospitalière et 58 % de procédures en urgence (chirurgie ou embolisation) dans les 24 heures après admission. La durée de transport était de 40 minutes en médiane.

La mortalité à J30 (critère de jugement principal) était plus faible dans le groupe « intervention » (23.2 % vs. 33.0 %; P = 0.03). Les courbes de survie montraient ce bénéfice dès la 3ème heure après l’inclusion. Il n’y avait pas de différence au niveau de l’incidence d’une défaillance multiviscérale, d’un SDRA ou des infections nosocomiales. Les résultats de thromboelastrographie à l’admission étaient identiques dans les deux groupes. L’INR était plus faible dans le groupe « intervention » 1.2 vs 1.3 p <0.001). Des effets indésirables allergiques, mineurs, imputés à la transfusion ont été notés chez 2.2 % du groupe « intervention ». Le faible nombre de patients sous AVK (14) ou sous anti-agrégants plaquettaires (38) ne permettait pas d’analyser en détail ces populations.

Cette étude souligne l’intérêt de l’apport précoce en plasma chez les traumatisés en choc hémorragique. Elle a plusieurs limites : sa nature ouverte, un déséquilibre dans les groupes (plus de cristalloïdes et de culots globulaires dans le groupe « contrôle ») et l’exclusion des patients transférés dans un centre extérieur à l’étude pouvant générer un biais.

Cette étude questionne la place du plasma en pré-hospitalier et incite à en développer l’usage. Le contexte français diffère du contexte américain, tant sur l’épidémiologie des traumatismes que sur l’existence en France du plasma cryodesséché. Ce produit, largement utilisé en contexte militaire, est en cours d’évaluation en milieu civil et pourrait modifier les stratégies actuelles de réanimation des traumatisés graves. Une autre piste est l’utilisation plus précoce de fibrinogène, guidé par la thromboélastométrie.

Prehospital Plasma during Air Medical Transport in Trauma Patients at Risk for Hemorrhagic Shock ; Sperry et al, N Engl J Med 2018;379:315-26


Commentaire : Dr Yvonnick Boué et Dr Vincent Peigne, réanimation, CHMS