Résumé d'une publication scientifique importante pour les urgentistes

 

L’hypoxémie, pouvant mener à l’arrêt cardiaque, est la principale complication de l’intubation trachéale en urgence.

Un essai randomisé mené dans des services de réanimation américains vient de comparer la ventilation au ballon à l’absence de ventilation lors de l’intubation trachéale [1]. Les patients du groupe « ballon » étaient ventilés avec un ballon qui disposait d’une valve pour générer une pression expiratoire positive de 5 à 10 cmH2O, avec une canule de Guédel et avec un masque appliqué avec les deux mains par le praticien en charge de l’intubation. Il n’était pas requis de pratiquer une manœuvre de Sellick. Les insufflations étaient délivrées  au rythme de 10 /minute, avec le volume  minimum suffisant pour soulever le thorax et le ballon recevait un débit d’oxygène de 15 L/min. Cette ventilation était appliquée entre l’induction et l’intubation. Les praticiens étaient libres d’utiliser la technique de pré-oxygénation de leur choix avant l’induction. Les patients du groupe « absence de ventilation » n’étaient pas ventilés entre l’induction et la première laryngoscopie, sauf désaturation < 90 %, mais pouvaient recevoir de l’oxygène. Le critère de jugement principal était le nadir (= valeur la plus basse) de la saturation entre l’induction et deux minutes après l’intubation.

Au total 401 patients ont été inclus : 199 dans le groupe « ballon », 202 dans le groupe « absence de ventilation ». Les indications d’intubation étaient l’insuffisance respiratoire aigüe (hypoxémique dans 58 % des cas, hypercapnique dans 23 %), la protection des voies aériennes en raison d’un coma (37 %) et la réalisation d’une procédure (9 %). Une inhalation préalable à l’induction était retenue chez 7 % des patients et une hémorragie digestive chez 12 %. La saturation médiane à l’induction était identique dans les deux groupes (99 [espace inter-quartile 95-100] pour le groupe « ballon » et 99 [96-100] pour le groupe « absence de ventilation »).

La médiane du nadir de saturation était supérieure dans le groupe « ballon » : 96 % [espace inter-quartile 87-99] contre 93 % [81-99], p 0.01. La survenue d’une désaturation < 80 % était plus rare dans le groupe « ballon » :10.9 % contre 22.8 %. Il n’y a avait pas de différence entre les groupes pour la survenue d’une inhalation, d’un pneumothorax ou du recours aux vasopresseurs. La durée de ventilation mécanique et la survie hospitalière étaient identiques dans les deux groupes.

Cette étude est bien construite et bien menée. Une de ses limites est l’absence de standardisation de l’oxygénation avant l’induction. En effet, l’utilisation d’une technique en pression positive était plus fréquente dans le groupe « ballon », ce qui peut induire un biais. La transposition des résultats de cette étude à notre pratique nord-alpine est limitée car le dispositif testé (ballon avec valve créant une pression expiratoire positive) n’est pas disponible dans nos services.

Les principaux messages à retenir de cette étude sont : que la désaturation per-intubation est fréquente, que la pré-oxygénation (plutôt en ventilation non-invasive selon les dernières recommandations françaises [2]) est indispensable, et qu’il est possible de ventiler au ballon les patients entre l’induction et l’intubation sans risque accru d’inhalation

[1] : Casey et al, Bag-Mask Ventilation during Tracheal Intubation of Critically Ill Adults , N Engl J Med. 2019;380(9):811-821.

[2] : Intubation et extubation du patient de réanimation, RFE commune SFAR- SRLF, 2016

Drs Patrick Lesage et Vincent Peigne - CHMS Chambéry