Résumé d'une publication scientifique importante pour les urgentistes

 

La ventilation non invasive (VNI) est de plus en plus utilisée dans l’insuffisance respiratoire aiguë, en particulier pour les décompensations de broncho-pneumopathies chroniques obstructives et les œdèmes aigus du poumon (OAP). Un audit prospectif mené en 2010 a étudié la pratique de la VNI dans 54 réanimations françaises et belges. Ces résultats déclaratifs ont été comparés à 2 audits antérieurs conduits en 1997 et 2002 dans les mêmes conditions.

Dans les 3 études, 2094 patients ont nécessité un recours à un support ventilatoire pour une insuffisance respiratoire aiguë. En 2010, le recours à la VNI en 1ère intention était de 24 %, comparable à 2002 mais significativement supérieur à 1997 et pour 11 % des patients la VNI était instaurée avant l’admission en réanimation, proportion en augmentation significative par rapport à 1997 et 2002. La proportion de patients bénéficiant de VNI était significativement plus importante en 2010 y compris en post-extubation. L’interface la plus utilisée était le masque facial.

Les indications de recours à la VNI étaient différentes dans les 3 audits. Le recours à la VNI dans les décompensations aiguës de pathologies respiratoires chroniques augmentait entre 1997 et 2002 puis restait stable. Dans l’OAP, le recours à la VNI était plus important en 2010 qu’en 1997 et 2002. Dans ces indications, le recours à la VNI en 1ère intention était associé à une mortalité moindre (OR 0,36; 95 % CI 0,23–0,57; P < 0,0001) et l’échec de la VNI ne s’accompagnait pas d’une sur-mortalité. Dans l’insuffisance respiratoire aiguë « de novo », le recours à la VNI augmentait entre 1997 et 2002 puis diminuait en 2010. Dans cette indication, le recours à la VNI en 1ère intention n’était pas associé à une meilleure survie. L’échec de VNI était en revanche associé à une surmortalité jusqu’en 2002, mais pas en 2010.

 

L’échec de la VNI (défini par le recours à la ventilation invasive ou décès dans les 24 h suivant l’arrêt de la VNI) était de moins en moins fréquent dans les 3 audits : 90 % en 1997, 74 % en 2002 et 36 % en 2010. Les facteurs prédictifs d’échec étaient un rapport PaO2/FiO2 bas, une mauvaise tolérance de la VNI, un SAPS II élevé, des fuites importantes et une insuffisance respiratoire aiguë « de novo ».

Cette étude montre donc un recours de plus en plus large à la VNI, notamment avant l’admission en réanimation ou en prévention de l’échec de sevrage ventilatoire et confirme que son utilisation en cas d’OAP ou de décompensations respiratoires aiguës d’une pathologie respiratoire chronique réduit la mortalité. Son utilisation s’est par ailleurs améliorée au fil du temps comme en témoigne la diminution de l’échec de VNI. Cette amélioration des pratiques peut s’expliquer par une meilleure maitrise de la technique à tous les niveaux (médical et paramédical) mais aussi par l’existence de recommandations depuis 2006. Toutefois, si la VNI est à considérer comme le traitement de référence dans les insuffisances respiratoires aiguës décompensant une insuffisance respiratoire chronique obstructive ou restrictive, et dans l’OAP, il convient d’être très prudent et ne pas retarder l’intubation des patients présentant une insuffisance respiratoire aigüe « de novo ».

Changing use of noninvasive ventilation in critically ill patients: trends over 15 years in francophone countries – Intensive Care Med 2016;42:82-92

Johanna Claustre et Nicolas Terzi