Résumé d'une publication scientifique importante pour les urgentistes

 

Le concept de « mort subite », arrêt circulatoire (AC) inopiné ou inattendu chez un sujet considéré jusque-là comme bien portant, est associé à un faible taux de survie (env. 7 %). Ce sentiment de devenir imprévisible et inéluctable sous-entendait jusqu'alors l'absence de signe précurseur à l'AC. Ce constat a poussé les auteurs à essayer de déterminer l'existence de facteurs prédictifs de la survenue de ces AC.

Entre 2002 et 2012, l'étude américaine SUDS (Sudden Unexpected Death Study) a porté sur l'analyse des arrêts cardiaques extra-hospitaliers, dans la région de Portland, état de l'Oregon.

839 dossiers (âge moyen 52,6 ans, 75 % d'hommes) ont pu être exploités afin de rechercher des symptômes prédictifs de la survenue d'une mort subite dans les 30 jours ayant précédé l'AC.

L'analyse a permis de retrouver au moins un élément dans 51 % des cas (n = 430). Ce pourcentage était identique chez les hommes et les femmes (50 VS 52 %).

Les signes retrouvés orientaient le plus souvent vers une pathologie cardio-vasculaire : douleur thoracique typique ou non dans 35 % des cas ou dyspnée dans 20 %. D'autres, moins fréquents ou moins caractéristiques, ont été identifiés : troubles digestifs (18 %), tableau pseudo-grippal (10 %), syncope (5 %), palpitations (5 %)...

Dans 80 % des cas avec symptôme préalable, le signe s'était installé dans l'heure précédant l'AC. Certains patients décrivaient une symptomatologie survenue jusqu'à 4 semaines avant, mais qui était retrouvée également dans les 24 h précédant l'appel (n = 147 sur 430).

Parmi les patients ayant présenté des signes au préalable, seuls 19 % des appels étaient motivés par la survenue d'un des symptômes (81 % des appels étaient consécutifs à la survenue de l'AC). Ces AC survenus après l'appel (avant l'arrivée des secours ou dans l'ambulance) ont pu bénéficier de tentatives de réanimation par témoins plus fréquentes et de plus de rythmes chocables que ceux qui ont été à l'origine de l'appel. Ils ont pu voir leur taux de survie multiplié par 5 par rapport aux AC ayant motivé l'appel ! (32,1 % VS 6 %).

Cette étude met en évidence, outre le fait de la nécessaire information des patients concernant les signes prémonitoires d'une mort subite possible, la nécessité d'un interrogatoire précis en régulation. La recherche de signes cardiaques typiques ne doit pas masquer d'autres symptômes qui pourraient paraître moins significatifs (dyspnée isolée, dyspepsie, syndrome pseudo-grippal...).

Les auteurs de l'étude insistent également sur la nécessité de géolocaliser à l'appel un DEA à proximité immédiate du patient, afin d'inciter l'appelant à le récupérer par anticipation de l'AC probable. Enfin, une idée préconçue tendant à penser que la reconnaissance des signes prédictifs serait plus difficile chez les femmes que chez les hommes, semble ne pas être aussi évidente.

Cette étude observationnelle ne peut toutefois pas montrer qu'il existe un lien direct entre la survie et l'appel précoce aux services d'urgences dès la survenue d'un signe « prédictif ». Il est de fait nécessaire de la compléter en essayant d'identifier les profils à « haut risque » permettant d'améliorer l'engagement pertinent des moyens de secours adaptés.

Marijon E et coll. : Warning symptoms are associated with survival from sudden cardiac arrest. Ann Intern Med., 2016 ; 164 : 23-29

Jean-Christophe Engels