Résumé d'une publication scientifique importante pour les urgentistes

 

L’antalgie morphinique est recommandée par l’ESC (grade 1) à la phase aiguë de l’infarctus ST+ puisqu’en réduisant le stress et la douleur elle pourrait diminuer le travail cardiaque. Ces considérations ne sont cependant pas étayées par des données scientifiques solides. De plus la morphine retarde la métabolisation des antiagrégants et diminue le nombre de résolutions du sus-décalage du segment-ST avant angioplastie comme cela a été montré dans ATLANTIC. Les auteurs s’interrogent sur son impact clinique réel.

Pour cela ils ont réalisé une étude rétrospective sur la cohorte des patients du registre FAST MI 2010 composée de 2438 patients présentant un SCA ST+ récent, recrutés sur 2 mois en France. Ils ont comparé le devenir des patients recevant de la morphine en pré-hospitalier et ceux n’en recevant pas. Les patients recevant de la morphine ayant des caractéristiques différentes de ceux n’en recevant pas ils ont par la suite comparé 2 cohortes appariées à partir d’un score de propension. Les analyses ont été répétées sur la cohorte de FAST MI 2005 qui comportait également des analyses de polymorphisme génétique pour la métabolisation des antiagrégants.

Résultats : 19 % des patients ont reçu de la morphine en pré-hospitalier. Ces patients étaient plus jeunes, plus algiques, présentaient plus souvent un SCA ST+ antérieur. Il n’y a pas de différence de mortalité ajustée hospitalière et à un an que les patients aient reçu de la morphine en pré-hospitalier ou non, de même pour les complications hospitalières à l’exception des infarctus récurrents non létaux (1,8 vs 0,7 % p = 0,03). Les résultats sont similaires en comparant les deux cohortes de 388 patients appariés sur un score de propension et sur la cohorte de FAST MI 2005 quel que soit le profil génétique de métabolisation. Dans un sous-groupe des patients ayant reçu des thienopyridines en pré-hospitalier il existait une différence de mortalité ajustée à 1 an entre les patients traités par morphine (2,4 %) et ceux non traités par morphine (5,9 %) p = 0.03.

Ces résultats plaident donc pour l’innocuité voir le bénéfice du traitement morphinique à la phase pré-hospitalière du SCA ST+ alors que plusieurs signaux récents allaient dans le sens contraire. Ils sont bien entendu soumis aux limites des études sur registre bien que la méthodologie tente de s’en affranchir. L’essai randomisé SCADOL auquel certains d’entre nous participent tombe à point nommé pour répondre de manière plus robuste à cette question qui nous concerne tous les jours ou presque alors poursuivons les inclusions avec d’autant plus d’entrain !

Etienne Puymirat, Lionel Lamhaut, Nicolas Bonnet  et al. Correlates of pre-hospital morphine use in ST-elevation myocardial infarction patients and its association with in-hospital outcomes and long-term mortality: the FAST-MI (French Registry of Acute ST-elevation and non-STelevation Myocardial Infarction) programme. European Heart Journal 2015 nov 17. doi:10.1093/eurheartj/ehv567

Julien Turk