Résumé d'une publication scientifique importante pour les urgentistes

 

La ventilation mécanique est très largement pratiquée aux urgences, dans des conditions pourtant différentes de celles des services de réanimation.

Une étude descriptive prospective récente s’est intéressée aux modalités pratiques de ventilation mécanique dans les Services d’Accueil d’Urgences (SAU) de quatre centres universitaires américains.

Deux cents dix-neuf patients, ventilés au moins une heure au SAU, ont été inclus. Le motif de recours à la ventilation était une pathologie médicale pour 76 % et un traumatisme pour 24 %. Un sepsis était suspecté chez 19 % des patients. Une antibiothérapie était prescrite à 35 % des patients, des vasopresseurs à 17 % et une transfusion à 14 %. 30 (15 %) patients vont développer un syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA) dans les  2.3 ± 1.2 jours après leur passage aux urgences. La durée de ventilation mécanique et la mortalité étaient significativement plus élevées chez les patients présentant un SDRA au cours de leur séjour.

Le mode ventilatoire le plus fréquemment utilisé était la ventilation assistée contrôlée en débit (VC-AC, 65 %) bien que la ventilation assistée contrôlée intermittente (VACI, 16 %) et la ventilation assistée contrôlée en pression (PC-AC, 13 %) étaient d’usage courant.

Le volume courant médian était de 500 mL (intervalle interquartile 450-520), soit 7.6 mL/kg (6.9-8.9). 25 patients (11 %) étaient ventilés avec un volume courant (VT) > 10 ml/ Kg de poids théorique. Le VT était inférieur à 8 mL/kg de poids théorique chez à peine plus de la moitié des patients (56 %), ce qui définissait une ventilation protectrice. La pression expiratoire positive (PEP) moyenne était de 5.3 cmH2O (± 1.3).

La pression de plateau médiane était de 18 cmH2O (16-23). Celle-ci n’était cependant relevée que dans 36 % des cas. La FiO2 moyenne de 88 % (± 21) et la durée médiane d’exposition à une FiO2 de 100 % était de 28 minutes (0-107). Seuls 36 % des patients avaient la tête surélevée d’au moins 30°. Des modifications des réglages du respirateur ont été effectuées au SAU chez 69 % des patients. Les paramètres ventilatoires ont été modifiés dès l’admission en réanimation chez plus de la moitié (58 %) des patients.

Parmi les 15 patients ayant un SDRA au SAU, seuls 7 (47 %) recevaient un volume courant ≤ 8 mL/kg.

Ces patients ayant un SDRA étaient exposés à une PEP moyenne de 6.1 cmH2O (±2.9) et à une FIO2 moyenne de 90 % (±20). La durée médiane d’exposition à une FiO2 de 100 % en cas de SDRA était de 99 minutes (60-198). La pression de plateau, largement utilisée en réanimation pour éviter les baro et volotraumatismes, n’était relevée que pour 40 % d’entre eux. Les réglages du ventilateur ont été modifiés dès l’admission en réanimation chez 66 % de ces patients.

Alors même que les effets potentiellement délétères d’un volume courant élevé et d’une FiO2 excessive ont été largement décrits en réanimation, cette étude montre que les patients ventilés au SAU dans ces quatre centres universitaires américains sont exposés à de faible niveau de pression de plateau mais que le recours à la ventilation dite protectrice et à la surélévation de la tête est inconstant, de même que la maitrise raisonnable de la FiO2. De plus, les réglages des ventilateurs sont fréquemment modifiés dès l’admission en réanimation. Cela témoigne clairement de l’existence d’opportunités pour améliorer la pratique de la ventilation mécanique dans ces SAU.

L’étude ne permet pas d’identifier les moyens d’action mais on peut évoquer : choix de ventilateurs plus performants permettant un monitorage aisé des paramètres ventilatoires, formation des médecins, protocoles communs réanimation-SAU.

Mechanical Ventilation and ARDS in the ED CHEST 2015; 148(2): 365 – 374

Vincent Peigne