Résumé d'une publication scientifique importante pour les urgentistes

Dans les crises convulsives généralisées, l'algorithme de prise en charge est bien codifié. Pourtant il existe de nombreuses molécules de seconde ligne, dont le choix est laissé à l’appréciation du prescripteur. Peu d’études comparent l’efficacité et la sécurité de ces différentes molécules*.

Une étude américaine multicentrique, randomisée, en double aveugle a évalué l’efficacité et la sécurité des différents traitements de seconde ligne chez des patients présentant une crise tonico-clonique persistante après 1 dose de benzodiazépine.

Les molécules évaluées sont le Lévétiracetam (KEPPRA), le fosphenytoine (PRODILANTIN) et le valproate de sodium ( DEPAKINE). L’inclusion des patients s’est faite entre la 5ème et la 30ème minute suivant la dernière dose de benzodiazépine. En cas de persistance de la crise, les patients reçoivent l’un des traitements de seconde ligne selon le schéma posologique suivant : Levetiracetam 60mg/kg (Max 4500mg) - Fosphenytoin 20mg/kg (Max 1500mg) - Valproate 40mg/kg (Max 3000mg). Les molécules sont administrées sous forme de perfusion avec un volume identique au PSE pendant 10 minutes. S’il persiste une crise à 20 minutes de la fin de la perfusion, l’aveugle est levée afin d’administrer une autre molécule sans risque de toxicité.

Sont exclues les crises survenues à la suite de troubles glycémiques, de traumatismes majeurs ou dans un contexte d’arrêt cardio respiratoire. Les femmes enceintes, les patients intubés, les patients incarcérés et les patients ayant reçu une dose d’anticonvulsivant autre que des benzodiazépines pour la crise en cours ou ceux connus comme étant allergiques aux traitements testés sont également exclus. A noter qu’un traitement antiépileptique au long cours n’est pas un critère d’exclusion.

Le critère de jugement principal est l’arrêt clinique de la crise et une reprise de réactivité à 60 minutes de la perfusion. La réactivité est définie comme des réponses ciblées à des stimuli nociceptifs, la capacité à répondre aux ordres ou la verbalisation.

Les objectifs secondaires sont basés sur l’évaluation des critères d'efficacité comprenant le temps entre le début et à la fin de la crise, le nombre d’admission en réanimation, la durée d’hospitalisation. Ces objectifs tiennent également compte des critères de sécurité comme la survenue des effets indésirables (hypotension, arythmie, IOT, récurrence des crises, anaphylaxie et décès).

Au total, 400 patients ont été inclus dont 384 en intention de traiter (car 16 patients inclus deux fois) dont 39% sont des enfants âgés de 2 à 17 ans. La population dans les 3 groupes ne différait pas significativement.

Les résultats montrent un arrêt de la crise et une reprise de réactivité chez 47% des patients dans le groupe Levetiracetam, 45% dans le groupe Fosphénytoine et 46% dans le groupe Valproate de sodium.

Les hypotensions et le recours à l’intubation sont plus fréquents avec l’utilisation de la Fosphénytoine bien que non significatif. Les analyses d'efficacité ne montrent pas de différences significatives.

Cette étude, novatrice par l’inclusion d’une population adulte, propose une méthodologie rigoureuse sur une question cliniquement pertinente.

Cependant, cette étude présente des limites. Son arrêt prématuré en raison d’analyses intermédiaires ne montrant aucune différence d’efficacité entre les molécules n’a pas permis d’avoir une puissance suffisante.

On retrouve un respect aléatoire des critères d’éligibilité concernant l’usage des benzodiazépines pour 27% des patients inclus dans l’analyse. La levée de l'aveugle est nécessaire pour 200 patients ne répondant pas au traitement de seconde ligne afin que le clinicien choisisse une autre molécule sans risquer de toxicité.

Le caractère subjectif de la reprise de réactivité peut également être un biais dans cette étude.

Enfin 10% des crises sont en réalité des crises psychogènes, ce qui peut entraîner une sous-estimation de l’efficacité des différentes molécules.

Les auteurs concluent que le traitement par lévétiracetam, fosphénytoine ou valproate permet l'arrêt de la crise et une amélioration de la vigilance à 60 minutes chez la moitié des patients avec une incidence d’effet indésirables similaires.

Cette étude questionne sur la durée de la crise convulsive qui pour la moitié des patients inclus persiste au-delà de 60 minutes malgré l’initiation des différentes thérapeutiques. En effet, quel impact ce délai peut-il avoir sur d’éventuelles séquelles neurologiques ?

Il serait intéressant de savoir si l’administration de ces traitements de 2nde ligne ne devrait pas se faire plus tôt ou s’il n’existe pas d’autres molécules plus efficaces.

(1) Kapur J et al. Randomized Trial of Three Anticonvulsant Medications for Status Epilepticus. NEJM 2019.

(2) Yasiry Z, Shorvon SD. The relative effectiveness of five antiepileptic drugs in treatment of benzodiazepine-resistant convulsive status epilepticus: a meta-analysis of published studies. Seizure 2014;23:167-74

RICHON Marine et CHIGNIER Mathilde Internes Médecine d’urgence