Résumé d'une publication scientifique importante pour les urgentistes

 

Les recommandations internationales de l’ILCOR 2015 préconisent des algorithmes de fin de réanimation des arrêts cardiaques (ACR) extrahospitaliers reposant sur des critères de mauvais pronostic :

  • La réanimation par les personnels sans capacité à effectuer des gestes techniques peut être interrompue lorsque l’ACR est survenu sans témoin professionnel, qu’aucun choc n’a été délivré et qu’il n’y a aucune reprise d'activité cardiaque spontanée (RACS) après trois cycles de réanimation cardio-pulmonaire (RCP) et défibrillation externe (Morrisson, NEJM 2006).
  • La réanimation spécialisée, pour les systèmes en disposant, peut être interrompue lorsque l’ACR est survenu sans témoin (professionnels ou non), qu’il n’y a pas eu de RCP ni de choc électrique externe délivré et qu’il n’y a pas eu de RACS après 20 min à 30 min (Morrisson, Resuscitation 2007).

Ces algorithmes prédisent le décès à plus de 99 %. Cependant ils ne prennent pas en considération la nécessité d’un transport rapide dans l’éventualité d’un don d’organe suite à un décès par arrêt cardiaque (DDAC). P. Jabre et ses co-auteurs se proposent de trouver des critères objectifs pour identifier rapidement les patients en arrêt cardiaque n’ayant aucune chance de survie.

Ils ont évalués trois critères : (1) ACR en absence de témoin professionnel, (2) rythme initialement non choquable, (3) absence de RACS avant de recevoir le troisième mg d’adrénaline. Ces critères ont été testés sur le registre parisien SDEC (1771 patients), validés prospectivement sur ce registre de 2012 à 2014 (3656 patients) puis validés en externe sur une cohorte de l’étude PRESENCE (486 patients) et une autre du King County EMS de Washington (2669 patients). Le critère principal de jugement était la survie à la sortie de l’hôpital ou à J28, le critère secondaire était le nombre de patients éligibles au DDAC.

La survie globale sur la cohorte était de 8 %. Les patients présentant un ACR sans témoin professionnel et ayant un rythme initialement non choquable avaient une survie de 1 %. Les patients ayant un rythme non choquable et sans RACS avant le troisième mg d’adrénaline avaient une survie de 0,2 %. Aucun patient n’ayant fait un ACR sans témoin professionnel et en rythme initialement non choquable et sans RACS avant le troisième mg d’adrénaline n’a survécu. Sur l’ensemble des 3 cohortes de validation et en incluant les données manquantes seul un patient présentant les 3 critères a survécu (en état végétatif). Parmi les 1771 patients de la cohorte initiale SDEC, 772 présentaient les 3 critères objectifs d’absence de chance de survie, 95 patients étaient éligibles à un DDAC. 

Ces trois critères que sont l’absence de témoin professionnel de l’ACR, l’absence de rythme choquable et l’absence de RACS avant de faire le troisième mg d’adrénaline permettent de prédire un décès certain avec une spécificité supérieure à 97 % (intervalle de confiance à 95 % : 97-100 %) et peuvent nous permettre de nous diriger rapidement vers un centre de DDAC pour les patients éligibles en étant certains que sans ce projet la poursuite de la réanimation serait futile.

Jabre P, Bougouin W, Dumas F et al. Early Identification of Patients With Out-of-Hospital Cardiac Arrest With No Chance of Survival and Consideration for Organ Donation. Ann Intern Med. 2016 Sep 13:1-9.

doi : 10.7326/M16-0402

Julien Turk